Député sous influence ?

Publié le par Lionel Frel

C'est ce que semble dire un article paru dans le dernier EXPRESS. ce qui n'est qu'un secret de Polichinelle est mis au grand jour.
Pourtant, la dangerosité potentielle du site de La Poudrerie, mériterait qu'on consacre tous ses efforts à y faire appliquer la loi (étude de danger, Plan Particulier d'Intervention, Comité Locale d'Information et de Concertation...).

Ci-dessous, des extraits de l'article de l'EXPRESS :

omme naguère à la Samaritaine, on trouve de tout au Palais-Bourbon. Chacun peut y dénicher ce qui l'intéresse. Il suffit de se pencher sur la liste officielle des quelque 130 "groupes d'études", ces structures qui rassemblent de façon informelle des députés de tous horizons sur un thème particulier, parallèlement aux six grandes commissions permanentes. L'inventaire est un florilège des préoccupations de nos parlementaires, des plus sérieuses aux plus cocasses. [...] Il ne faut pas confondre non plus le groupe sur la mer et la pêche maritime avec celui sur les pêcheries côtières, la gestion des ressources halieutiques et les cultures marines, ni avec le groupe attaché à la pêche de loisir et la protection du milieu aquatique. Entre les marins de haute mer et les pêcheurs d'eau douce, il y a un océan.

[Les lobbys n'ont officiellement pas droit de cité à l'Assemblée nationale. Mais les «groupes d'études» parlementaires sont un moyen de contourner l'obstacle.]

La chimie, par exemple, fait partie des lobbys industriels les plus écoutés au Palais-Bourbon. Depuis le début de la législature, deux groupes d'études se sont penchés sur ses problèmes avec une attention bienveillante. Le premier, consacré à l'industrie chimique (une trentaine de députés), est présidé par Jacques Remiller (UMP, Isère), maire de Vienne, une ville située au cœur du couloir chimique rhodanien. A ses yeux, les problèmes environnementaux et sanitaires liés à la chimie, soulevés par des associations, des scientifiques et des députés, ne doivent pas être surestimés.

Le plaidoyer des industriels était largement repris

 

Le député défend, sans beaucoup de nuances, ce secteur industriel: «J'ai visité de nombreux sites français et je trouve que nous avons une chimie propre. Tout le problème est de réconcilier les Français avec cette industrie, qui provoque des peurs exagérées. C'est une question d'éducation et d'information.» Jacques Remiller s'y emploie à coups de déplacements, d'auditions, d'appels téléphoniques, de courriers aux ministres, d'amendements et de propositions de loi. Il est soutenu par l'Union des industries chimiques (UIC), le syndicat qui regroupe les entreprises de ce secteur imposant (240 000 salariés, 94 milliards d'euros de chiffre d'affaires, deuxième rang européen). L'UIC, habituée à dénoncer les réglementations, peine à se départir de cette attitude défensive. «Elle commence à guérir de son syndrome de forteresse assiégée. C'est un bon signe», estime cependant le député de l'Isère.

Jacques Remiller est sur la même ligne pro-chimie que son collègue Daniel Garrigue (UMP, Dordogne), président du groupe d'études sur la directive Seveso - un texte européen sur la sécurité des sites industriels. Le maire de Bergerac, ancien administrateur de l'Assemblée qui a travaillé à la commission industrie du RPR, a été élu en 1993 et réélu en 2002. «J'ai une usine chimique du groupe SNPE classée Seveso dans ma circonscription, explique cet homme de haute stature à la carrure sportive, l'un des principaux soutiens de Dominique de Villepin à l'UMP. J'ai constaté la très grande difficulté de mise en œuvre des directives Seveso et les procédures lourdes sur les zones de danger. De plus, l'explosion de l'usine AZF à Toulouse, le 21 septembre 2001, a révélé les risques de sites implantés au cœur des zones urbaines.»

[Le gouvernement Raffarin choisit donc de durcir la réglementation, avec un projet de loi sur la prévention des risques technologiques et naturels, adopté à l'Assemblée en juillet 2003.]

L'UIC n'a pas caché sa satisfaction lorsque, en septembre 2004, le ministre délégué à l'Industrie, Patrick Devedjian, a chargé le député maire de Bergerac d'animer un groupe de réflexion sur «l'avenir de l'industrie chimique en France à l'horizon 2015». «Daniel Garrigue nous était sympathique, concède Jean Pelin [directeur général de l'UIC]. Il avait voté contre le principe de précaution et la Charte de l'environnement. Et nous l'avions déjà rencontré comme président du groupe d'études Seveso.»

Pour nourrir sa réflexion, le député de Dordogne a notamment réuni les poids lourds de l'UIC (Arkema, Rhodia, BASF France, Sanofi-Aventis, SNPE) et les syndicats de salariés. Il s'est déplacé à Aramon (Gard), sur les sites de Sanofi-Aventis, et à Talence (Gironde), dans le laboratoire de recherche de Rhodia. A l'arrivée, il a élaboré 29 propositions - détaillées dans un rapport remis au ministre délégué à l'Industrie, François Loos, en mai 2005 - pour faire face aux défis de la mondialisation, de l'innovation, de la «montée exponentielle des réglementations» et d'une «image largement dépréciée».

Le plaidoyer des industriels était largement repris. «C'est un travail collectif», précise Daniel Garrigue, qui se défend d'être lui-même une «émanation de l'UIC». Jean Pelin, de son côté, se félicite de ce rapport: «Il y a de très bonnes choses, que le gouvernement a d'ailleurs reprises à son compte.» Par exemple, la mise en place d'un comité stratégique de l'industrie chimique, mêlant professionnels et syndicats, chargé d'aider le ministre de l'Industrie.

Lors de la première réunion de ce comité, le 24 novembre 2005, l'UIC a rappelé ses demandes en faveur d'un allégement de Reach, projet européen de réglementation sanitaire des produits chimiques, qu'elle juge coûteux et bureaucratique. Depuis 2003, l'UIC a tout fait pour contrer ce projet: dossiers remis aux parlementaires à Strasbourg, lobbying intensif à Bruxelles, interventions auprès de l'Elysée et des ministères, mise en avant d'études économiques alarmistes sur les conséquences de sa mise en œuvre.

A l'Assemblée, Daniel Garrigue a relayé ces arguments. En tant que membre de la délégation pour l'Union européenne, le député a été chargé de rédiger un rapport sur Reach. Ce document, achevé le 4 octobre 2005, soutenait la position du gouvernement français, favorable à un compromis européen moins contraignant pour les industriels que le projet initial.

Deux jours plus tard, le 6 octobre, l'UIC a eu tout loisir de reformuler ses «préoccupations» sur Reach dans les locaux de l'Assemblée nationale lors des Journées parlementaires de la chimie, présidées par le tandem Daniel Garrigue-Jacques Remiller et par Michel Delebarre (PS, Nord). Ce colloque était financé principalement par l'UIC et des industriels tels que le groupe SNPE, Rhodia, Arkema, BASF, Bayer ou Total Petrochemicals. Les questions de santé publique y étaient traitées sous cet intitulé unilatéral: «Le nouveau débat émotionnel».

Adopté en première lecture par le Parlement européen à la fin d'octobre 2005, le projet Reach a été validé par un Conseil des ministres européens le 13 décembre de la même année. L'industrie chimique espère l'amender encore, à Bruxelles et à Strasbourg, avant son entrée en application à partir de 2008.

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